Les 12 000 travaux d'à tes risques :
- 29 mai 2024
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 22 juil. 2024

L’histoire que je vais vous raconter va vous demander un peu d’imagination bien qu’elle soit malheureusement très concrète. Imaginez un peu. Vous vous promenez dans une ville française que vous ne connaissez absolument pas. Vous parlez français, vous savez lire et vous parvenez même à comprendre ce qu’on vous dit, ce que vous lisez… De nos jours vous faites clairement parti des exceptions. Donc vous vous promenez dans cette ville, vous découvrez ses labyrinthes…

Mais vous réussissez à ne pas trop vous perdre. Soudain, vous vous rendez-compte qu’il vous faut une baguette (de pain, je précise parce qu’aujourd’hui tout le monde a le droit de ne pas comprendre, de s’imaginer ce qu’il veut…) pour le déjeuner (le déjeuner c’est le repas du midi, là aussi j’explique parce qu’encore une fois tout le monde ne comprend pas que le déjeuner et le petit-déjeuner sont 2 repas différents, que le diner est le repas du soir, que l’éventuel soupé est le repas léger qui pourrait suivre si la soirée dure…). Donc bêtement vous relevez la tête et regardez les enseignes autour de vous.


Visiblement vous aurez l’embarras du choix parce que tous les commerces autour de vous ont l’enseigne « boulangerie ». Vous poussez donc la porte d’une de ces « boulangerie ». Vous demandez à la personne (je dis bien « personne », parce qu’il ne faut surtout pas présumer du sexe ou de la sexualité de la personne) derrière les vitrines une baguette.


Là cette personne vous répond que vous n’êtes pas au bon endroit parce qu’ici on ne fait que des raisintines. Interloqué, vous lui demandez ce que c’est. « ben c’est simple, c’est un nouveau concept. On est sur une base de chocolatine, sauf qu’on les a revisités en remplaçant le chocolat par des raisins secs, c’est révolutionnaire ». Vous comprenez qu’en fait ils viennent de « découvrir » le concept du pain aux raisins. Cette personne vous explique ensuite que si vous voulez du pain, vous devriez aller voir son voisin juste à coté après avoir marché 200 mètres, puis tourné à gauche sur 50 mètres, fait 17 fois le tour du rond point et enfin refait 400 mètres en marche arrière vous trouverez surement du pain. Donc la notion de « voisin » est assez fluctuante et/ou vague. Vous suivez ces indications « limpides » sans faire les 17 tours de rond point et vous arrivez devant un commerce qui a l’enseigne « boulangerie ». Là vous vous réjouissez, en pensant « super, cette personne m’a bien renseigné. J’aurais ma baguette pour le déjeuner ». Vous poussez la porte de commerce confiant. La personne (toujours le même principe, surtout ne pas présumer du sexe ni de la sexualité….) vous accueille et vous demande ce que vous voulez. Là, sûr de vous, vous lui demander une baguette.

Là elle se décompose. « Ben en fait ici, on ne vend pas de baguette. On est sur un concept révolutionnaire qu’on a créé très récemment, c’est à dire qu’ici on vend des glacatines. C’est un truc dingue auquel personne n’avait pensé avant nous. On est des génies. On verse de l’eau dans de grands bacs, on les met au congélateur et quelques heures plus tard l’eau gèle… c’est un nouveau concept. Alors si vous voulez une baguette, allez peut être voir mon voisin, juste la porte d’à coté à 322, 53 mètres, je sais qu’il vend des trucs bizarres, il en aura peut être ». Bon donc ils ont inventé le pain de glace, vous allez vous ce 3ème commerce avec ces indications ultra précises. Vous poussez la porte, il est 11h57. Vous lui demandez avant même que cette personne se présente si elle vend du pain.

Là la réponse vous scotche sur place « ben oui, c’est une boulangerie ici, donc évidemment on vend du pain ! » Heureux vous lui demandez une baguette. « bien sûr pas de problème, quel type de baguette ? La cuisson ? La composition ? Avec ou sans sel ? » Merde, vous vouliez une simple baguette, et c’est devenue une science. « Vous réfléchissez, on vous la fera quand vous aurez réfléchi à sa composition et sa cuisson, d’accord ? ». Sachant qu’il faut le temps que la pâte lève… Une simple baguette pour le déjeuner, peut donc demander plusieurs heures d’attente et qu’il est 11h57, que c’est maintenant que vous vouliez votre baguette, pas demain… Résigné, vous demandez la baguette que vous souhaitez en vous disant que demain vous aurez une super bonne baguette et que ce midi, vous n’aurez tout simplement pas de pain. Vous vous apprêtez donc à repartir. Mais là cette personne vous explique que si vous partez elle ne préparera pas votre baguette. Il faut attendre sur place parce que « vous comprenez le nombre de fois où les gens ont commandé du pain et ne sont jamais venus le chercher et le payer… » Vous hésitez un instant, vous vous dites que cette ville est une ville de dingues, que si vous ne la visitez pas intégralement vous ne perdez pas grand chose finalement donc autant attendre quelques heures dans cette boulangerie. Donc vous attendez, vous vous occupant en surfant sur le net, en regardant des séries sur Netflix… Bref vous faites un sérieux vide dans votre tête, sans oublier que tout ça ne demandera au pire que quelques heures et que vous aurez votre baguette pour le lendemain. Les heures passent. Et là on vous dit « on ferme, il faut partir ! » « ben oui mais vous m’avez dit d’attendre ici pour avoir ma baguette » « on ferme, si vous voulez quelque chose, il faudra revenir demain »(le fameu "service à la française").

Bon vous avez passé l’après dans la boulangerie à attendre… Vous rentrez dans votre lieu de villégiature (c’est là on vous allez dormir entre autre, là aussi j’explique parce que tout le monde ne comprendra pas le mot). Le lendemain matin à la première heure vous êtes dans cette fameuse boulangerie pour passer votre commande pour avoir cette baguette pour le déjeuner (si vous avez oubliez ce que veut dire déjeuner, remontez un peu plus haut dans le texte, mais si vous lisez encore il y a des chances pour que vous n’ayez pas de courant d’air entre les oreilles). Donc naïvement vous rappelez à la personne derrière ses vitrines que vous aviez commandé une baguette la veille. Là vous êtes à nouveau scotché. « on ne prend pas les commandes d’un jour à l’autre, si vous voulez un pain, il faut choisir sa composition, sa cuisson… » Vous êtes clairement sur le cul, puisque vous réalisez qu’en fait vous avez passé l’après midi de la veille sur place pour rien. Pas de problème, vous voulez vraiment cette baguette. Vous re-passez commande. Même laïus, « il faut rester sur place…. » Vous attendez. Les heures passent. 11h53. On ne vous dit rien, on vous laisse attendre.

11h59 : « bon, on n’a plus de graines de X (que vous n’aviez de toute façon pas demandé puisque vous vouliez une simple baguette) donc on ne fera pas votre baguette » « ben oui mais je voulais une simple baguette, c’est pas grave que vous n’ayez pas de graines X, je n’en veux pas de toute façon » »bon écoutez, on a des processus à respecté, c’est comme ça, on n’a pas de graine X donc vous n’aurez pas votre baguette ». Une fois de plus votre déjeuner sera sans pain. Mais vous voulez votre baguette. Alors naïvement (qu’est ce que vous êtes naïf quand même…) vous demandez quand auront-ils ces fameuses graines et quand ils seront donc en mesure de pouvoir faire votre baguette qui ne nécessite pas ces fameuses graines (entre temps, à force de patienter vous en savez au moins autant qu’eux sur le monde de la boulangerie). Là encore, vous finissez sur le cul : « ça ne dépend pas de nous, c’est la loi, ça dépend du beau frère de l’oncle de ma soeur qui est gynécologue » ça n’a absolument aucun sens, aucun lien mais c’est la réponse qu’on vous donne. Et on vous rappelle que si vous partez, votre commande ne sera tout simplement pas traitée… Heureusement, il y a de gentils sans-papiers qui sont prêts à vous livrez de la junk food n’importe où pour enrichir des entreprises qui se fichent de profiter d’eux. C’est un autre problème. Vous attendez, l’après midi passe. Là encore on vous met littéralement dehors, mais vous voulez votre baguette et vous avez clairement que ça à faire. Donc le lendemain matin vous revenez. Vous vous enquerriez des fameuses graines avant de tenter de passer commande. Vous apprenez qu’il n’y a jamais eu de problème de graines et on vous demande pourquoi vous posez cette question. Pas de problème, c’est encore un nouvel interlocuteur, qui n’a peut être pas encore eux les informations de la veille… Vous passez commande, vous patientez…

Et là magie : on vous sert une couronne aux noix et roquefort nappée de confiture aux cerises avec des rillettes et des huitres. « ben non, j’ai demandé une simple baguette, je n’en veux pas, c’est quoi cette horreur ???? » « bon écoutez, c’est ce que cous avez commandé, donc ça fait 142€, vous réglez comment ? » Bêtement vous ne voulez pas payer pour un truc horrible, que vous n’avez pas demandé. Vous repassez donc une nouvelle commande de baguette ordinaire. Étrangement cette fois votre commande est traitée ultra rapidement.

Quelques minutes plus tard on vous présente votre baguette et on vous demande de régler 155€ en vous expliquant que vous devez régler votre baguette, la précédente commande et les frais engendrés. Avec toute la patience dont vous êtes capable, après avoir eu plus de 60 interlocuteurs différents on vous apprend qu’en fait le service de la comptabilité à penser que votre commande initiale serait meilleure en la faisant comme on vous l’a présentée la 1ère fois… Donc des gens que vous ne connaissez pas, qui ne vous connaissent pas, on pensait que ça vous conviendrait mieux…

Si je vous raconte cette histoire délirante, c’est pour vous donner une vague idée du parcours administratif que je suis depuis 1 an pour créer l’entreprise qui me permettra de vous proposer mes livres et mes produits. Livres que j’ai écrit, dont une seconde édition, plus complète et avec moins de coquilles j’espère, est prête. Produits que j’ai développés et qui ne demandent qu’à recevoir le feu vert pour être produits localement de manière éco-responsable… Les « boulangeries » en question sont en fait ce qu’on appelle dans l’administration « le guichet unique » qui est tout sauf unique puisque chacune a SON « guichet unique » qui ne peut répondre qu’à des questions bien précises… Et toutes ces administrations savent mieux que vous, comment vous vous appelez, ce que vous voulez, tout en ayant chacune une interprétation différente sans en informer les autres ni vous d’ailleurs. Sans oublier que vous ne pouvez rien faire pour les contourner, vous ne pouvez que subir et faire avec, peu importe les délires qu’ils exigent, peu importe les réponses délirantes, ces administrations font ce qu’elles veulent comme elles veulent, ce sont elles qui appliquent comme elles veulent les lois, les procédures… En fait peu importe qui dirige le pays, qui est le Président de la République, qui est au gouvernement, qui a la majorité à l’Assemblée Nationale ou au Sénat, les administrations font strictement ce qu’elles veulent bien faire (et quand je dis ça, ne vous attendez pas à ce que le travail soit de qualité, ça veut simplement dire qu’elles font comme elles le veulent). Elles sont capables d’exiger que pour ouvrir votre entreprise de ravalement, vous ayez un CAP de chirurgie cardiaque en physique nucléaire, sans sourciller. Oui ce diplôme n’existe pas et serait carrément aberrant s’il existait, mais ce sont ce genre de demandes que l’administration française n’hésite pas à exiger.

Comments